E. Fritch à l’ONU: « Aujourd’hui, mon peuple désire rester dans la Nation française… »
Nous reproduisons ci-dessous l’allocution prononcée aujourd’hui par le président de la Polynésie française, Edouard Fritch, lors de l’assemblée générale de la 4ème commission de l’ONU à New York.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Je suis président de la Polynésie française depuis septembre 2014.
Je souhaite vous rappeler que mon pays compte 118 îles, dont 80 habitées par 270.000 habitants éparpillés sur un territoire grand comme l’Europe. Nous disposons de 50 aéroports qui désenclavent nos îles. Chaque île dispose d’un centre de santé, d’une école, d’une mairie. Notre pays dispose des infrastructures de télécommunications couvrant tout le territoire par des réseaux de fibre optique, câbles sous-marins et satellitaires.
En mai 2018, la Polynésie française a tenu ses élections générales, fixées tous les cinq ans. C’est une élection au suffrage universel totalement démocratique. La liste autonomiste que j’ai menée, a largement gagné les élections.
Je suis à la tête d’une majorité qui rassemble les deux tiers des élus au sein de notre assemblée législative, soit 39 Représentants élus sur une assemblée totalisant 57 élus. J’ai un nouveau mandat de 5 ans. Mesdames et messieurs les ambassadeurs, je suis démocratiquement élu. J’ai gagné des élections générales démocratiques sous le contrôle de représentants du Forum des Iles Pacifique.
En mai 2018, lors de ces mêmes élections générales, le parti indépendantiste que vous entendrez tout à l’heure comme pétitionnaire, et qui fait propagande pour la décolonisation de la Polynésie française, a recueilli 23,1 % des électeurs.
De ce fait que nul ne peut contester, ma victoire aux élections confirme la volonté du peuple polynésien de ne pas modifier le cadre institutionnel de la Polynésie française. C’est une volonté claire et démocratique, exprimée par une majorité Polynésiens.
Cette honorable 4ème Commission de l’ONU doit reconnaître cette réalité sans état d’âme et sans jugement dogmatique. 80 % de la population vivant en Polynésie française est autochtone. Les Polynésiens sont présents dans tous les rouages économiques, sociaux et politiques de la Polynésie française. Les Polynésiens dirigent et gèrent leur propre pays. Le destin de la Polynésie française est bien entre les mains des Polynésiens.
La Polynésie n’est pas une colonie qu’il faut décoloniser.
Notre population ne souffre pas de sévices ou d’oppression. En Polynésie, Il y a seulement le parti politique indépendantiste qui souffre de n’avoir jamais pu convaincre la population polynésienne du bien-fondé de sa politique de séparation.
L’indépendance peut convenir à certains pays, et pas à d’autres. L’indépendance n’est pas la seule voie ou la voie miracle qui permet à un peuple d’être heureux. La dignité d’un peuple ne se construit pas nécessairement dans l’indépendance. D’autres voies sont possibles, et elles sont évoquées dans la Charte des Nations Unies.
Le bien-être d’un peuple dépend avant tout de la qualité de ses dirigeants. Il se construit sur des priorités fondamentales, comme l’accès à l’éducation, à la santé, à la terre, à la culture, à l’énergie, à la connectivité et aux transports. Et c’est le cas de la Polynésie française.
Céder à la volonté de cette minorité de nos frères polynésiens, c’est reproduire la parabole de l’enfant prodigue décrite dans la parabole de Saint Luc, avec la différence importante qu’en politique, il n’y a pas de retour possible.
Aujourd’hui, vous devez accepter le fait démocratique que mon peuple n’a toujours aucun désir d’indépendance.
Ce désir ne dépend et ne dépendra ni du Comité des 24, ni de l’ONU. Il ne viendra que de la seule volonté démocratique d’une majorité du peuple polynésien.
Aujourd’hui, mon peuple désire rester dans la Nation française avec un statut particulier de large Autonomie.
Aussi, au nom de la majorité des électeurs Polynésiens, au nom des principes de la démocratie, au nom de la paix, je vous pose solennellement la question : quel intérêt social, éducatif, culturel, y a-t-il pour mon peuple de rester inscrit sur la liste des pays à décoloniser ? Cela va-t-il créer plus d’emplois pour nos jeunes ? Cela va-t-il réduire la pauvreté pour certains d’entre nous ? Pour ma part, je n’y vois aucun intérêt.
Pour conclure, je voudrais aussi interpeller mes amis du Pacifique afin qu’ils soutiennent ma position. Mon pays est membre du Forum des Iles du Pacifique et qu’à ce titre, il est incohérent de dire, ici devant l’ONU, que mon pays est à décoloniser alors que vos états respectifs que vous représentez, me considèrent comme leur égal. Aussi, je vous demande respectueusement, chers membres de l’Assemblée Générale des Nations Unies, de retirer la Polynésie française de la liste des pays à décoloniser.
Je vous remercie de tenir compte de cette requête solennelle.