L’Intersyndicale, à propos de la CST: « A revenu égal, contribution égale »
L’intersyndicale se dit « déçue de la rencontre du mardi 29 mars 2022 avec le président, le ministre chargé de la protection sociale et la ministre du travail », peut-on lire dans un long communiqué dont nous avons conservé de larges extraits.
(…) Le gouvernement et la majorité à l’assemblée maintiennent leur décision. Ils ajoutent le chaos de l’inflation intérieure au chaos de l’inflation importée malgré l’avis défavorable de la majorité des acteurs économiques et des partenaires sociaux. L’intersyndicale constate que le texte voté le jeudi 31 mars 2022 réduit peu la portée de la taxe : le taux baisse de 1,5 à 1%. La liste des produits alimentaires de Grande Consommation (PGC) exemptés de la contribution se réduit aux œufs et aux «punu puaatoro». Exonérer les Très Petites Entreprises (TPE) a peu d’effet sur le produit de la taxe.
Le ministre (ndlr: Yvonnic Raffin) estime son besoin de financement de la protection sociale à 9 milliards de Fcfp en s’appuyant sur la présentation du budget du régime des salariés voté pour 2022. Après quinze jours sans explication, on a enfin compris que la contribution pour la solidarité envers les Polynésiens les plus démunis versée au FELP nécessitait 3,8 milliards supplémentaires et qu’elle allait aussi combler le déficit budgétaire 2022 du régime des salariés de 5,5 milliards (retraite A : 4 mds, maladie : 1,5 md). Le ministre n’a pas contesté que la Caisse de Prévoyance Sociale avait la trésorerie suffisante pour assurer le versement des prestations du régime des salariés en 2022, confirmant les affirmations de l’intersyndicale. Le prélèvement destiné au régime des salariés n’était pas nécessaire en 2022. Le ministre a déclaré que cette taxe était destinée à éviter le « chaos » en 2023. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il faudra injecter le même montant au régime des salariés en 2023 (plus, si le déficit se creuse) et, cette fois, sans réserve. Il ne dit pas que le déficit du régime des salariés persistera tant que les réformes de la retraite et de la maladie n’auront pas été menées à bien.
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Le ministre et le président ont balayé nos propositions au motif qu’elles ne portaient que sur le court terme. Le gouvernement ne fait pas mieux. Il veut faire payer à toute la population, y compris aux salariés aux revenus modestes, les errements de la gestion (ndlr: par les partenaires sociaux) des branches retraite et maladie du régime des salariés.
Nous rappelons nos propositions : financer la solidarité par la réforme de la Contribution de Solidarité Territoriale (CST) au 1/1/2023. Nous avons montré qu’un salarié, au revenu annuel de 4 800 000 fcp/an (400 000 fcp/mois) verse 135 000 fcp/an à la CST, un prestataire de services ou profession libérale 36 000 fcp/an et un commerçant, 19200 fcp/an. Nous avons demandé que la CST sur les salaires s’applique sur les mêmes tranches et au même taux sur les revenus des patentés, prestataires de service, professions libérales, commerçants, et sur les revenus du patrimoine. Le ministre nous accuse de vouloir l’impôt sur le revenu. Or, la CST a été créée par l’assemblée de Polynésie et le gouvernement en 1995. Ce que nous demandons, c’est l’équité dans le financement de la solidarité : « A revenu égal, contribution égale ».
Autres propositions: financer le régime des salariés et combler ses déficits en distinguant ce qui doit être pris en charge par les cotisations sur le travail et l’impôt (la CST et la nouvelle taxe pour la solidarité, la CPS). Les cotisations sur le travail financent les prestations en espèces réservées aux salariés : retraite sur droits acquis, indemnités journalières maladie et maternité. L’impôt finance les prestations universelles de solidarité au bénéfice des polynésiens: soins maladie, prévention, minima sociaux (minimum vieillesse, allocation complémentaire de retraite), allocations familiales, etc…Ce que nous demandons c’est de distinguer ce qui relève des cotisations et ce qui relève de l’impôt.
Le vrai chaos, le vrai danger c’est l’inflation réelle, somme de l’inflation importée et de l’inflation intérieure. Les professionnels de la distribution annoncent déjà une augmentation des prix de 9% sous l’effet de l’inflation importée. Le ministre chargé de la protection sociale ajoute une taxe intérieure. Tous les acteurs économiques s’accordent sur l’effet d’augmentation des prix de cette taxe qui va porter l’augmentation générale des prix au-delà de 12%. Sur un revenu mensuel de 100 000 fcp/mois, 12%, c’est 12 000 fcp/mois de pouvoir d’achat en moins pour se nourrir. Ainsi, la brique de lait (ndlr: de quelle marque parle t-on ? Car il a toujours existé des différences importantes sur le prix…) est passé de 90 à 120 fcp, soit une augmentation de 30 fcp (33%) en quatre mois et ce n’est sans doute pas fini. Les familles de Tahiti et celles des îles devront se serrer encore plus la ceinture pour tenter de se nourrir.
Ce que nous demandons, c’est de ne pas taxer la consommation des familles aux revenus modestes. Le Ministre se plaît à désigner des boucs émissaires et semble découvrir des pratiques connues de longue date. La réponse du Gouvernement à l’augmentation jugée excessive des prix est que certains commerçants surfacturent pour augmenter leur marge. Il prépare un projet de loi du pays, encadrant les prix. L’interventionnisme économique grandissant du pouvoir politique nous inquiète tout comme la facilité avec laquelle il désigne des responsables.
Le ministre encourage les ménages aux revenus modestes à consommer des PPN exemptés de sa taxe. Le ministre a annoncé que la taxe ne s’appliquerait pas sur les PPN. Les ménages aux revenus modestes ne devraient consommer que des PPN pour échapper à l’augmentation des prix ? Or, le prix des PPN augmente, dès lors que le prix à l’importation augmente. La plupart du temps, l’encadrement porte sur la marge et non sur le prix. Ce sont nos autorités politiques qui ont mis en place cette réglementation dont nous subissons les conséquences.
La santé des polynésiens mériterait plus de respect. Le ministre en charge de la PSG a oublié les effets négatifs de la consommation des PPN souvent synonymes de malbouffe. Acheter des produits sains deviendra un luxe, hors de portée de la grande majorité de la population.
L’intersyndicale demande au ministre en charge de la protection sociale de réunir les partenaires sociaux pour arrêter en urgence ce qui relève de la solidarité et des cotisations sur le travail, pour financer la protection sociale, dans le cadre d’une concertation globale tripartite. Préparer la réforme de la protection sociale universelle en concertation avec les partenaires sociaux sans attendre la loi du Pays réformant sa gouvernance. Les instances existantes suffisent pour avancer. Proposer au prochain CA du RGS de la CPS du 19 avril 2022 un budget modificatif établissant l’équilibre de la retraite A et de la maladie comme le ministre en a le pouvoir. Soumettre au conseil des ministres les arrêtés désignant les organisations syndicales et professionnelles siégeant dans les nouvelles instances, ce qui permettra de leur demander de nommer leur représentant, dès la promulgation de la LP.
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