21 novembre 2024

René Temeharo à l’ONU: « Seul le peuple polynésien décidera de son avenir »

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Parti à New York pour porter la voix des autonomistes polynésiens devant la quatrième commission des Nations Unies, René Temeharo a notamment justifié les raisons pour lesquelles il est important de rester aux côtés de la République, « avec la garantie d’un partenariat économique, technologique et sécuritaire fort avec la France. »

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de vous transmettre les salutations du Président de la Polynésie française, M. Edouard Fritch, qui vient de conclure sa participation au 1er Sommet réunissant, à Washington, le Président des Etats-Unis d’Amérique et les dirigeants des Pays insulaires membres du Forum des îles Pacifique. Le Président de la Polynésie française m’a mandaté pour vous adresser le message de notre gouvernement et de la majorité de notre Assemblée Territoriale.

Permettez-moi également de vous remercier, Monsieur le Président, de remercier les pays membres de l’ONU pour leur écoute attentive, et de remercier les pays membres du C24 pour leurs efforts en vue de l’élimination du colonialisme.

Notre Pays participe aux travaux du C24 depuis 2017. Lors de ces travaux, nous avons exposé que la Polynésie française n’est plus une colonie. Depuis 1977, notre Territoire bénéficie d’un Statut d’Autonomie qui a évolué à cinq reprises. Ce statut original nous permet de disposer des leviers nécessaires pour notre développement économique, social, culturel et identitaire.

Aussi, nous avons un drapeau, un hymne, un gouvernement et les langues polynésiennes sont officiellement utilisées lors des débats à l’Assemblée de la Polynésie française et sont enseignées dans nos écoles. Notre peuple est composé à 80 % de Polynésiens autochtones. Il s’agit d’un peuple pacifique et ouvert où les populations d’origine mā’ohi (autochtone), asiatique et européenne se mélangent et vivent harmonieusement.

Nous sommes compétents en matière économique, fiscale, foncière, éducative, sanitaire, culturelle, ainsi que dans la gestion et l’exploitation de nos ressources naturelles et dans la gestion de notre vaste zone économique exclusive de 5 millions de kilomètres carrés.

Notre statut n’est pas figé et peut au contraire s’adapter, comme notamment en 2019 pour permettre notre adhésion aux organisations intergouvernementales internationales, comme ce fut le cas pour notre adhésion au Forum des îles du Pacifique.

Notre Autonomie est la voie pour notre développement, avec la garantie d’un partenariat économique, technologique et sécuritaire fort avec la France.

Ce partenariat nous a permis de faire face à la pandémie de la Covid-19. Nous avons pu compter sur son soutien sans faille depuis mars 2020. La France a envoyé, à ses frais, des vaccins, du matériel et plus de deux cents soignants qualifiés en Polynésie pour soutenir nos équipes médicales.

Sur le plan financier, plus d’un milliard de dollars US ont été mobilisés d’une part par l’État français pour 70 % et par le gouvernement de la Polynésie française pour 30%. De même, deux prêts d’un montant total de 680 millions de dollars US, garantis par l’État français, ont été consentis.

Permettez-moi, Monsieur le Président, de revenir sur l’exploitation des ressources naturelles, notamment des ressources minérales profondes.

Plusieurs études ont démontré que les fonds marins de la Polynésie française possèdent des encroutements cobaltifères, sans précision des quantités réelles existantes.

Nous voulons protéger notre océan pour favoriser la pêche durable des Polynésiens. Et nous proposons un moratoire à l‘Assemblée Territoriale interdisant pour trente ans toute exploitation des fonds marins.

En accord avec la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable, et suite à nos engagements pris à la Conférence sur les Océans de l’ONU à Lisbonne en juin dernier, nous sommes favorables à l’acquisition des connaissances scientifiques des fonds marins utiles à la protection de nos océans.

En fait, la Polynésie française est pleinement souveraine sur sa zone économique exclusive et elle est en capacité, avec l’appui logistique de la France, de la surveiller en permanence.  Ceux qui affirment le contraire vous induisent en erreur sciemment ou par méconnaissance de la loi.

Sur le dossier nucléaire en Polynésie française, le travail se poursuit en partenariat et en concertation avec l’État français avec une célérité accrue depuis la visite du Président Macron en juillet 2021.

La reconnaissance du fait nucléaire est désormais inscrite dans notre loi statutaire d’Autonomie modifiée à notre demande en 2019, lui confèrent ainsi une valeur constitutionnelle. La reconnaissance de la Nation française oblige l’État français à engager des réparations économiques, sociales, environnementales et bien sûre sanitaires.

Ainsi, les engagements pris par le Président de la République française sur notamment, l’ouverture des archives, l’amélioration et facilitation des indemnisations, les réparations économiques, sociales et environnementales, l’enseignement du fait nucléaire dans les écoles, ainsi que la construction d’un Centre de mémoires, avancent d’un pas ferme. A ce jour plus de 10 000 documents classés secret-défense sont consultables par les polynésiens.

Mon Pays s’est engagé sur les Objectifs de développement durable et les intègre progressivement dans ses politiques publiques.

Un rapport de leur mise en œuvre a été réalisé en 2021 et a fait l’objet d’une transmission au secrétaire général de l’ONU et à l’unité de décolonisation.

Je remercie les membres du C24 d’avoir inclus un paragraphe à ce propos dans le projet de résolution de la Polynésie française.

L’intégration et le suivi des indicateurs des ODD dans les politiques publiques des Territoires est en effet une méthode d’évaluation pragmatique pour évaluer l’état de leur développement, car plus que le statut politique, ce qui est le plus important et qui nous tient à cœur est le bien-être de nos populations et la protection de l’environnement.

Le clivage politique dans mon pays se fait, depuis les quarante dernières années, entre les Autonomistes, favorables au statut de large autonomie en partenariat avec de la République française, et les Indépendantistes, nouvellement appelés Souverainistes qui militent pour la séparation.

En mai 2018, les partis Autonomistes ont très largement remporté les élections locales qui les a portés à la direction du Pays.

Lors de ces élections, nous avons accueilli une mission d’observation du Forum des îles du Pacifique qui a témoigné de la transparence et de la rigueur dans le processus électoral démocratique.

N’en déplaise aux indépendantistes et nombreux pétitionnaires de ce jour, l’Autonomie de notre Pays au sein de la République française est le modèle plébiscité par la majorité de la population qui aujourd’hui vit dans la paix, la stabilité et la prospérité.

Tout n’est pas parfait et le travail n’est pas terminé. Beaucoup reste à faire pour créer de l’emploi, lutter contre les inégalités et donner de la dignité aux plus vulnérables d’entre nous.

Je souhaite signaler que, comme dans beaucoup de pays, la crise de la Covid-19 et la hausse générale des prix ont obligé notre gouvernement à faire des choix parfois impopulaires, comme la création d’une taxe à la consommation pour sauver nos régimes sociaux ou l’obligation vaccinale créée pour protéger nos personnes âgées ou vulnérables car porteurs de lourdes et longues maladies.

Des raisons qui ont fait que seuls les indépendantistes ont été élus membres du parlement français, aidés par des autonomistes revanchards. Quel paradoxe…

Très clairement, Monsieur le Président, chers membres de l’ONU, le résultat de ces élections législatives, contrairement à ce que soutiennent nos amis, ne traduit en rien un quelconque changement idéologique des Polynésiens. Ce serait faire mentir le sens du vote exprimé par les électeurs, qui n’est pas un vote d’adhésion mais un vote sanction.

Dans quelques mois, en mai 2023, des élections générales Territoriales sont prévues. Les électeurs polynésiens sont appelés à renouveler l’Assemblée Territoriale et le Gouvernement de mon pays. Cette élection revêt un autre enjeu, car les Polynésiens remettront pour cinq ans les clefs du pays à la majorité qu’ils auront choisis. Nous verrons alors si les Polynésiens confirment leur choix, ce dont je doute fortement.

C’est peut-être la raison pour laquelle autant de pétitionnaires indépendantistes viennent s’exprimer aujourd’hui devant votre 4e Commission de l’ONU, afin de chercher, avec opportunisme, un soutien politique extérieur et montrer à leur électorat qu’ils ne sont pas seuls. Cela coute beaucoup d’argent et que d’énergie perdu. Ce n’est pas notre méthode.

Seul le peuple polynésien décidera de son avenir. Nous respecterons sa décision quand le moment sera venu. Le peuple se prononcera chez lui, pas à Paris, ni à New York.

Monsieur le Président, chers membres de l’ONU, vous l’avez compris, la Polynésie française est un Pays jouissant d’une large autonomie. Elle participe avec conviction aux équilibres régionaux indispensables à la Paix. L’aventure que nous proposent les indépendantistes n’apporterait rien de plus à la Polynésie, bien au contraire, elle créerait inévitablement de nouvelles fractures et de nouvelles dépendances, sans commune mesure avec le partenariat historique et respectueux que nous avons avec la France.

Mesdames et Messieurs, en Polynésie française nous ne sommes pas colonisés. Nous sommes libres de nous exprimer, libres de pratiquer nos religions, libres d’élire nos élus, de nous soigner, de nous déplacer, nous sommes en sécurité car protégés par une armée et une police, et nos enfants ont droit à une éducation publique ou privée dont les programmes sont faits par notre gouvernement et dont les enseignants sont pris en charge par la France.

Enfin, mesdames et messieurs, le Président de la Polynésie française vous a déjà invité à plusieurs reprises à venir sur nos îles pour constater par vous-même la réalité économique, sociale et politique de notre Pays. Je vous renouvelle aujourd’hui cette invitation.

Je vous remercie.

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