Le Port autonome de Papeete, de 1850 à nos jours
Dans son discours d’ouverture de la Semaine de célébration des soixante ans du port autonome de Papeete, le ministre des Grands Travaux, René Temeharo, a retracé l’historique de la création de cette infrastructure en perpétuelle évolution.
Le Port Autonome de Papeete, établissement public territorial, a été créé par la délibération n° 62-2 de l’Assemblée Territoriale du 5 janvier 1962. Il serait maladroit de retracer le parcours du Port Autonome depuis sa naissance en 1962 sans évoquer brièvement son héritage constitué au cours du siècle précédent et marqué par le développement conjoint avec la ville de Papeete et la volonté commune de sortir Tahiti de son isolement dans le Pacifique.
Ce développement, dont l’origine remonte à l’installation de la Reine Pomare IV en 1830 dans un Papeete encore pratiquement désert, fut accéléré par l’Amiral Bruat qui conseilla au gouvernement, après le rattachement de Tahiti à la France en 1843, le choix de Papeete comme capitale.
Au début des années 1850, sous l’impulsion du Gouverneur Page, Papeete se dota d’un arsenal construit par des ouvriers de la Marine et destiné à l’entretien des navires de guerre français. Il constituait le premier maillon d’une présence militaire à Tahiti.
En 1861, le port de Papeete accueillait 305 navires. Il s’imposait alors comme une importante escale, fréquentée par de nombreux baleiniers et par des goélettes pratiquant le commerce de la nacre, du coprah ou de la vanille.
Sur le plan international, la construction du chemin de fer Est-Ouest à travers les Etats-Unis et le percement de l’isthme de Suez apportaient quelques améliorations dans les relations de Tahiti avec l’Europe.
A la fin du 19ème siècle, le premier quai dans le centre-ville (l’actuel quai des paquebots) fut construit permettant l’accostage des navires longs courriers.
L’ouverture du canal de Panama en 1919 permit l’établissement d’une ligne régulière des Messageries Maritimes Marseille-Nouméa via Papeete à partir de 1923 et ouvrit de nouvelles perspectives au territoire.
Le quai des paquebots fut alors agrandi en 1928 pour permettre l’accostage simultané de deux navires, puis modernisé en 1938.
Après la deuxième guerre mondiale, les liaisons étaient rares, avec seulement 39 touchées en 1949, et les arrivées de navires au long cours considérées comme une rare distraction.
Dans les années 1950, Papeete vit au rythme de son port, agité par le va et vient des longs courriers des Messageries Maritimes et des goélettes desservant les îles.
Fare Ute se dote d’une cale de halage, considérée alors comme le plus moderne dispositif des îles du Pacifique. Cette cale remporte un vif succès provoquant déjà, à cette époque, des files d’attente.
La construction d’un appontement pétrolier suit en 1957, tandis que le front de mer concentre l’essentiel des installations portuaires.
A la fin des années 1950, les installations portuaires n’arrivent pas à suivre l’essor du trafic.
Le port, aménagé dans une rade faiblement protégée avec 300 mètres de quai, 4 000 m² de terre-plein et 10 000 m² d’entrepôts, est en voie d’asphyxie, saturé par le passage annuel de plus de cinq cents navires, obligeant sans cesse les autorités portuaires à jongler avec les places disponibles.
L’ouverture de l’aéroport de Faa’a en 1960 vient amplifier cette situation. Le trafic maritime prévoit de doubler en trois ans.
Le besoin de développer et de moderniser les installations du port de Papeete se faisait donc inéluctable comme conséquence de l’essor économique du territoire, mais la nécessité de passer aux réalisations fut rendue urgente par la décision d’installer le Centre d’expérimentations du Pacifique (CEP).
Tahiti entrait de plain-pied dans une nouvelle ère d’expansion économique, rompant définitivement son isolement séculaire. C’est dans ce contexte et avec ce challenge de création d’un port moderne qu’est né en 1962 le Port Autonome de Papeete.
Auparavant administré par le Service des travaux publics et des mines, ce nouvel établissement public à caractère administratif se voit doté de la personnalité morale et juridique et a désormais pour mission « l’administration du port de commerce de Papeete ainsi que la gestion des différents services intéressant l’activité de ce port ».
Il devient dorénavant « autonome », concept entièrement nouveau lui conférant une indépendance financière, une liberté de gestion et une réactivité accrue sous l’autorité d’un conseil d’administration.
En définitive, le port abordait en 1962, aussi bien sur le fond que sur la forme, un tournant de son histoire et entrait dans la modernité.
Compte tenu de l’arrivée imminente du CEP ainsi que de l’ampleur et de la complexité du chantier de modernisation du port, il fut décidé que les ministères intéressés, ministère des Départements et territoires d’outremer pour le port de Papeete et ministère des armées, mettraient tous leurs moyens en commun pour mener à bien la modernisation du port.
Au stade des études, le projet fut confié au B.C.E.O.M. (bureau central d’études pour les équipements d’outremer). Deux schémas furent proposés, soit construire de nouveaux quais en bordure de ville, soit utiliser le récif de Motu Uta.
Cette dernière solution prévalut compte tenu de l’absence de problème foncier, du potentiel de surface exploitable sur la table corallienne supportant Motu Uta et enfin de la préservation du front mer et de sa vocation touristique.
Près d’un milliard de francs pacifique furent injectés dans ce projet dont 90 % à la charge de l’Etat, le reste revenant au Port Autonome et au Territoire.
Les travaux, commencés en avril 1964, furent inaugurés le 29 juin 1966 en présence du Général Pierre Billotte, Ministre d’Etat, chargé des départements et territoires d’Outre-mer.
Au terme de ce chantier de plus de deux ans où travaillaient parfois jusqu’à 400 personnes et où 1,7 millions de m3 de sable corallien furent utilisés pour les remblais, la longueur des quais était passée de 300 à 1 100 m, la surface de terre-pleins de 4 000 à 50 000 m², la surface d’entrepôts de 10 000 à 22 000 m² et la capacité de stockage pétrolier de 22 500 à 50 000 m3.
L’ensemble des infrastructures portuaires était protégé par 800 mètres de digue de 5,8 m de hauteur, coulée en béton directement sur le socle récifal.
Pour sa part, la Marine et le CEP disposaient de 350 m de quais, d’entrepôts, d’ateliers de réparation navale et d’un dock flottant de 3 500 tonnes.
Passé ce cap, le nouveau Port Autonome n’a eu de cesse d’étendre son domaine, grignotant peu à peu du terrain sur la mer, pour répondre aux besoins toujours grandissants des différents trafics.
L’aménagement de la zone portuaire et le prolongement de la digue se sont poursuivis et de nouveaux remblais ont été réalisés.
L’huilerie de Tahiti en 1968, puis les chantiers navals s’implantent à Motu Uta et la zone de Fare Ute se développe à partir de 1970.
En 1974, la Direction du Port Autonome, autrefois située sur le front de mer puis à Fare Ute, s’installe à Motu Uta.
De 1967 à 1987, vingt années d’extension vont faire du Port de Papeete une véritable ville dans la ville, le poumon économique de la Polynésie.
Les années 80 et 90 furent celles de la croissance, le trafic international de marchandises et le trafic local dépassant respectivement le cap du million de tonnes et du million de passagers par an.
Dans ce contexte, les années 80 ont été marquées par une série de conflits sociaux et de grèves des dockers engendrant une réforme radicale de la manutention portuaire au profit de sociétés d’acconage structurées constituant aujourd’hui un modèle d’organisation envié par la plupart des ports métropolitains.
Pour mémoire, le Port de Papeete a été le premier port français à réformer la manutention portuaire.
En 1986, le Port se voit affecter du terrain domanial constituant aujourd’hui la Marina Taina à Punaauia.
Dans les années 90, l’activité bat son plein : construction et extension d’infrastructures, développement du port de pêche, émergence d’un véritable trafic de croisières.
En 1993, le Conseil d’administration du Port crée à Fare Ute un véritable port de pêche par l’édification d’un quai de 150 m et d’une tour à glace, l’aménagement de la criée puis la construction d’un bâtiment de mareyage pour le poisson frais destiné à l’export.
En dix ans, le nombre d’escales de pêcheurs locaux est multiplié par soixante.
En 1995, le Port se voit confier la gestion du port de Vaiare à Moorea et entreprend la construction d’une nouvelle gare maritime
Malgré le retrait du CEP en 1996, les indicateurs d’activité du Port restent positifs traduisant le succès des mesures de reconversion engagées par l’Etat et le Territoire.
Transformé en établissement public à caractère industriel et commercial depuis le 1er janvier 1998, le Port voit son autonomie de gestion renforcée.
En 2000 et pour la première fois de son histoire, un schéma directeur sur dix ans est élaboré et des investissements considérables sont programmés pour contenir la hausse de l’ensemble des trafics et maintenir à un haut niveau la qualité et l’efficacité des services. Une quantité d’opérations à hauteur de 17 milliards de francs d’investissement, ont été réalisées.
Ainsi ont vu le jour le bâtiment de stockage des véhicules en zone sous-douane, l’extension des quais pour le cabotage, la pêche ou les yachts dans le cadre du projet Bounty, ou encore l’acquisition du remorqueur AITO NUI de 3 000CV.
D’autres, comme la mise en place de nouveaux épis au quai des paquebots pour la croisière ou le doublement de la capacité d’accueil de la marina Taina, ont été réalisés.
Des opérations hors schéma directeur ont également vu le jour, c’est le cas du réaménagement de la zone douanière qui doit faire face à l’augmentation du trafic international (vrac et conteneurs) ou encore de la modernisation de la cale de halage.
Sur le plan de la réglementation, l’Assemblée de la Polynésie française a adopté en 2001 le premier Code des ports maritimes de Polynésie française constituant un document de référence indispensable pour l’ensemble des professionnels du secteur portuaire et permettant d’optimiser la gestion portuaire.
L’activité du Port de Papeete représente un enjeu économique majeur pour l’économie polynésienne, en tant que porte d’entrée et de sortie de tous les trafics maritimes sur le plan local ou international (commerce, pêche, plaisance, croisière) et de 99.6 % des flux de marchandises qui alimentent la consommation de la population de la Polynésie ainsi que de ses secteurs d’activités.
De 2012 à 2015 : Gare maritime, extensions quais de cabotage, aménagements des parkings à Papeete et Moorea, politique économie d’énergies (centrales photovoltaïques, éclairages LED) et mise aux normes sécurité incendie des bâtiments.
Pour répondre à la demande de disposer directement au cœur même de la capitale d’une véritable marina de classe internationale avec tous les services attendus, le Port autonome de Papeete a réalisé en 2014 la marina de Papeete faisant ainsi partie de la stratégie engagée par le Pays et le Gouvernement.
Outre la marina avec ses nouveaux services, une véritable promenade piétonnière au fil de l’eau ouverte à tous a été réalisée. Elle s’ouvre sur deux restaurants réalisés sur la place « Tahua Tū-Mārama » et propose un vrai aménagement urbain esthétique et pensé en lien direct avec la capitale polynésienne.
Pour autant la réalisation de ce bel ouvrage ne reste qu’une étape dans l’aménagement du front de mer de notre capitale qui comprendra également un terminal de croisière nous permettant d’accueillir en 2023 dans de bonnes conditions les touristes et les professionnels du tourisme.
Mais au terme de ses 60 ans, le Port autonome de Papeete poursuit sa modernisation par la réalisation d’un nouveau quai au long cours qui sera achevé en 2024 et l’approfondissement de la passe de Papeete en 2027.