21 novembre 2024

Etude du collectif n°4 du budget du Pays: l’analyse du Tapura huiraatira

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Compte tenu de la tournure des événements jeudi matin à l’assemblée de la Polynésie française, le Tapura huiraatira ayant décidé de boycotter la séance après les propos racistes tenus par un élu du Tavini huraatira, voici l’intervention de la représentante, Tepuaraurii Teriitahi, sur le collectif n°4 du budget du Pays dans lequel figure une dotation exceptionnelle de 1 milliard de Fcfp en faveur de l’OPH.

Le ministre des Finances du précédent gouvernement s’était fixé une règle de base, celle d’opérer autant de collectifs budgétaires que nécessaires aux fins d’inscrire la bonne quantité de crédits, au bon endroit et au bon moment.

Je me félicite de vous voir souscrire à cette approche puisque pour rappel, nous en sommes au 4ème collectif (Budget général et comptes spéciaux inclus) depuis le début de la mandature. Soit il y a 6 mois.

Maintenant, procédez-vous à de nouvelles inscriptions budgétaires de manière raisonnée, calculée et parfaitement maîtrisée, j’aurais tendance à en douter et le modificatif n°4 du budget général du Pays pour l’année 2023 me paraît empreint des mêmes tâtonnements preuve qu’au fond, vous ne savez toujours pas quelle direction prendre…

Mais je vous rassure tout de suite, au-delà des réserves et autres interrogations dont je vais vous faire part, le groupe Tapura huiraatira votera ce quatrième collectif, pas pour sauver l’OPH mais bien pour payer les fournisseurs à qui l’OPH doit de l’argent afin qu’ils puissent payer leurs salariés et ne pas être mis en danger.

Nous le soutiendrons aussi pour l’achat du terrain de Punaauia car, conformément à ce que nous avons toujours prôné, il est de l’intérêt de notre pays de faire valoir notre droit de préemption et d’acquérir le maximum de foncier afin d’y implanter des projets publics dans le domaine de l’habitat ou de l’éducation avec la construction de logements intermédiaires ou de groupements scolaires par exemple.

Sur la forme, j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission: quand je vois le peu de temps dont nous avons disposé pour prendre connaissance du dossier, soit à peine trois jours – 1er novembre inclus – il fallait vraiment une urgence ! Et tant pis pour la bonne information des élus…et pourtant, la situation de l’OPH est connue de madame la Ministre depuis le mois de juin dernier qui a malgré l’urgence, fait le choix, comme elle nous l’a expliqué en commission, d’attendre d’avoir tous les éléments pour agir…

Sur le fond à présent, l’urgence signalée qui motive ce collectif n°4, me laisse un goût d’inachevé.

Le dossier OPH, tout d’abord. J’ai l’impression d’y voir un remake de notre ministre Vannina Crolas investie de la mission sacrée de sauver le soldat OPT. A grand renfort d’articles de presse et sur la foi d’une lettre adressée par Mme la ministre au Pdg de l’Office, on annonçait alors que l’établissement et ses filiales étaient au bord du gouffre et qu’il était temps de réduire la voilure. Depuis la grève d’une partie du personnel peu enclin à abandonner leurs avantages acquis, tout semble revenu à la normale. Qu’en est t’il du contenu du protocole d’accord conclu ? Avez-vous obtenu ce que vous souhaitiez Mme la ministre ?

Dans le cas de l’OPT, pas besoin de collectif; tout au plus, vous avez stoppé net les projets d’investissement jugés (officiellement en tous cas)  trop onéreux comme la maison des communes tant attendue par les Tavana et le  monde communal.

Pour l’Office polynésien de l’habitat, en revanche, ce serait le « fiasco », un fiasco comme l’a expliqué notre collègue Nuihau Laurey dont  tous les gouvernements en place depuis la création de l’OPH portent une part de responsabilité.

En l’état, l’OPH qui est sur tous les fronts du logement  serait même appelé à disparaître…, selon la ministre du Logement.

La faute, selon la chambre territoriale, à la multitude des missions conduites par l’OPH qui relèvent normalement d’un service public administratif : gestion de l’aide familiale au logement, la construction et la livraison de « fare OPH » (ou plus justement comme l’a précisé le directeur « fare pays »), la fourniture gratuite de matériaux de construction (AAHI), la maitrise d’ouvrage urbaine et sociale sur des zones de résorption de l’habitat insalubre identifiées. Autant de mission qui éloigne l’OPH de sa mission première : celle de bailleur social.

Raison apparemment suffisante pour que le gouvernement nous demande aujourd’hui un effort exceptionnel de 1 milliard de francs pacifique. En cause, un stock d’impayés auprès des fournisseurs qui dépasse largement la trésorerie de l’établissement, 4 milliards de dettes pour 928 millions de trésorerie à la date du 17 octobre. Quand on met ces chiffres en vis-à-vis, on comprend de suite le problème.

La question qui s’impose alors c’est pourquoi en tel niveau de dette ? Qui jusqu’à mars 2023 ne se situait « que » à 2 milliards selon l’exposé des motifs.

Que s’est-il donc passé en mars 2023 qui explique cette hausse plus que significative puisqu’on constate là un doublement de la dette ?

Vous nous avez donné en commission quelques explications Mme la ministre mais vos explications sont restées très parcellaires et floues. Je vous réitère la question Mme la ministre. Que s’est-il passé en mars 2023 et qui a engendré 2 milliards de dettes supplémentaires ?

Si je comprends tout à fait que le nouveau directeur nommé le 22 septembre découvre la situation d’autant que comme il l’a confirmé, même le conseil d’administration dont il était membre via ses anciennes fonctions, n’était pas au courant, vous Mme la ministre quand vous a-t-on alerté de cette situation ?  Pourquoi avoir « affamé » les entreprises créancières 6 mois de plus ? Pourquoi ne pas avoir informé notre Assemblée plus tôt et réagi plus vite ?

Par ailleurs, ce que je déplore plus que tout, c’est ce goût pour l’insinuation permanente. Simplement pour mettre dans l’esprit des gens qu’à force d’arroser la population à la veille des élections, voilà le résultat! C’est un raccourci et un mauvais procès d’intention. Je vous répondrai simplement que si tel était le cas, nous n’aurions certainement pas perdu les élections en avril dernier.

Mais alors que proposez-vous pour dépolitiser l’OPH ? Sinon d’anonymiser les demandes d’aides…

Vous qui, comme nous à l’époque, refusez d’expulser les familles qui ne paient pas leur loyer. Globalement, chaque année, c’est une donnée constante: 30% de loyers ne sont pas perçus. Soit en cumul, depuis la création de l’office, la bagatelle de 2 milliards de Fcfp. Il faut se souvenir aussi que durant le Taui, les dirigeants de l’époque n’incitaient guère au paiement des factures…et attribuaient des logements à des familles dont ils savaient pertinemment qu’ils ne pourraient pas payer leur loyer (ce fut le cas à Oremu).

Vous qui, comme nous, reconnaissez que l’OPH est avant tout « un outil social » et en tant que tel, la collectivité doit venir en soutien. C’est d’ailleurs tout le sens de la subvention d’équilibre versée chaque année à hauteur de 850 millions de Fcfp.

Vous qui, comme nous enfin, êtes pleinement résolue à satisfaire -quoiqu’il en coûte – les besoins exprimés par la population pour disposer d’un toit décent. Aussi, tout le bonheur que je vous souhaite, madame la ministre, c’est de livrer autant de logements groupés, de kits fare et d’aides en matériaux AAHI que votre prédécesseur. Loin d’être des cadeaux, ces aides répondaient à des demandes de foyers à la recherche d’un logement décent voir d’un logement tout court. Car pour Edouard Fritch aussi la devise était un emploi, un toit pour tous.

Rappelons ici que près de 2500 demandes de fare OPH ont d’ores et déjà été validées par la commission d’attribution au 30 juin 2023.

Pourquoi autant de dossiers validés en sachant que la capacité de construction est de 450 fare par an ? Dans un souci de planification pluriannuelle des fare. Sachant que ¼ de ces attributions ne se concrétiseront pas pour diverses raisons, c’est en réalité 1800 fare qui sont à construire, soit un délai d’attente pour les derniers attributaires de quatre ans grand maximum. On est loin des délais de dix ans de l’époque.

Ne reste plus aujourd’hui qu’à honorer cet engagement au bénéfice de foyers remplis de l’espoir d’une vie meilleure suite à l’acceptation de leur demande.

 Maintiendrez-vous au BP 2024 les moyens budgétaires suffisant pour tenir le rythme de construction du précédent gouvernement ? C’est un autre débat.

Pensez également aux 90 entreprises qui participent au montage des fare OPH aux quatre coins de la Polynésie, pourvoyeurs d’emploi. Combien de temps suspendrez-vous les commissions d’attribution ? Quels sont vos objectifs en terme de logements dispersés, de logements groupés et de logement intermédiaires ?

Quant aux solutions préconisées pour renflouer l’OPH, permettez-moi encore de vous faire part de mon scepticisme.

Pour la première fois, en effet, le Pays va venir en substitution des décisions prises en commission de surendettement présidée par l’Institut d’émission d’outre-mer, l’IEOM. Autrement dit, d’un côté, on annule chaque année pour 100 millions de loyers impayés au détriment de l’OPH; de l’autre, le Pays dédommage l’Office avec une dotation spéciale de 500 millions, correspondant à cinq exercices. En somme se sont les contribuables qui payent à la place des mauvais payeurs. Ce choix doit rester exceptionnel et ne saurait se pérenniser.

Ce collectif prévoit un second versement de 500 millions d’ici à la fin de l’année. Mais si j’ai bien compris, cet apport viendra en complément des efforts de rationalisation qui devront être réalisés en interne. Car en effet, l’OPH ne doit pas compter uniquement sur le pays mais doit trouver des solutions pour d’une part réduire sa voilure (en particulier au niveau des charges de personnel et des dépenses courantes) et d’autre part augmenter les recettes constituées principalement des loyers (et bien entendu ne pas négliger le recouvrement des impayés qui avoisinent les 2,5 milliards).

Pour l’heure, vous avez identifié la prise en charge d’un trop grand nombre de téléphones portables parmi les 276 agents de l’OPH et lancé une politique de réduction des heures supplémentaires. C’est un bon début mais il en faudra plus. Nous attendons avec impatience les mesures inscrites dans le plan Marshall que vous nous avez annoncées Madame la ministre et leur mise en œuvre.

D’autres mesures plus structurelles devront être prises comme, par exemple, isoler le rôle de bailleur social des autres missions qui incombent à l’OPH. Cette faiblesse pointée du doigt par la chambre territoriale des comptes que j’ai relevée plus haut. Le précédent gouvernement était en phase avec une telle recommandation, la SAS ARANA en est l’illustration.

Pour conclure sur le volet OPH de ce collectif, je voudrais vous féliciter Monsieur le directeur pour l’humilité et le courage dont vous avez fait preuve lors de la commission de l’économie en assumant une situation dont vous n’êtes absolument pas responsable. Vous avez montré à travers votre maitrise du dossier, votre lucidité et votre transparence, à quel point vous preniez la situation à bras le corps. L’OPH doit être repensé certes, mais surtout il doit être sauvé. Nous comptons sur vous.

S’agissant du second objet de ce collectif, à savoir l’acquisition d’un terrain de plus de 83 hectares dans la commune de Punaauia, au niveau du PK 17,7 coté montagne, il s’agit là d’une bonne opération ! Piloté par la vice-présidence, ce projet se situe dans la continuité de ce qui avait été engagé sous la précédente équipe, nous ne pouvons qu’y être favorable comme je le disais en préambule.

Pour l’heure, le gouvernement Brotherson a besoin des fonds disponibles, à hauteur de 1 milliard 50 millions de francs pacifiques, pour pouvoir faire jouer son droit de préemption le moment venu. Le dénouement est attendu pour le début de l’année prochaine, même si nous avons bien compris qu’un risque de contentieux n’est pas à exclure.

Sur cette surface immense à exploiter, il est envisagé des logements sociaux, de type intermédiaires destinés aux familles touchant entre 2 et 4 smig, une partie aura une vocation agricole, une autre pourrait abriter un groupement scolaire et une autre servira à la reprise de la voie rapide baptisée Te Ara Nui pour fluidifier la circulation routière entre la zone urbaine et la presqu’île. Projet que vous comptez bel et bien maintenir malgré l’hostilité d’une partie de la population.

Mais chaque chose en son temps ! Assurons l’achat de ce terrain au profit du pays dans un premier temps et réfléchissons ensuite à son aménagement.

Gageons par ailleurs que le moment venu le pays travaillera en bonne intelligence avec les autorités communales qui procèdent actuellement à la révision de leur PGA et qui se réjouissent du potentiel qu’offre une telle surface.

Tels sont, mes chers collègues, les commentaires que je souhaitais partager avec vous dans le cadre de l’étude de ce collectif n°4.

Je vous remercie de votre attention.

Photo d’archives

 

 

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