Disparition de Roland Oldham: les condoléances de René Bidal
Roland Oldham n’aurait pas aimé que le haut-commissaire fasse sa nécrologie mais il l’aurait accepté de René Bidal. Je m’autorise donc ces quelques lignes pour avoir apprécié cette personnalité complexe, ombrageuse mais très attachante, qui laissait poindre une grande sensibilité affective, écrit le représente de l’Etat dans son message de condoléances.
Il avait des fulgurances et des intransigeances rattachées au combat de sa vie qu’un engagement inlassablement nourri de convictions profondes l’a aidé à mener pour une cause dont il fut l’incontestable pionnier. De toute évidence, ce combat n’avait pas vocation à nous rapprocher même si, sur le sujet, notre compréhension mutuelle avait su dépasser les postures auxquelles notre action publique respective pouvait nous conduire.
Non, c’est en fait à la musique, qu’il aimait tant, à sa connaissance fine et à son analyse élégante des grands standards du jazz et de la soul que je lui dois un lien inattendu et fortuit, un soir où nos errances se sont rencontrées sur le front de mer et qui firent que nous avons par la suite échangé nos convergences ou nos divergences d’appréciation, sur les accents de guitare de Charlie Christian et de Wes Montgomery ; sur les timbres de voix de Percy Sledge, d’Aretha Franklin ou de Amy Winehouse …
Pour Roland Oldham, rien n’était plus agréable que d’aller jouer et chanter là où son cœur et ses affinités le conduisaient pour un partage libre et généreux, comme il l’était lui même.
« Viens m’écouter ce soir, je joue au Manava » m’avait-il dit un jour où, malheureusement, je prenais l’avion quelques heures après ; c’était l’une des dernières fois où il s’est produit en public. C’est donc un regret d’une cruelle intensité que je ressens, au moment où j’écris ces mots pour honorer la mémoire d’un homme entier comme un bloc de granit mais à la sensibilité extrême.
Il était courageux, méprisant la maladie jusqu’à son dernier souffle, comme pour lui signifier qu’elle n’avait pas prise sur lui et qu’il n’avait pas peur de ses conséquences dont il n’ignorait rien. Cette dignité est plutôt rare et inspirante.
Ma commisération accompagne la pensée de tous ses proches, sa compagne bien sûr à qui j’adresse mes bien sincères condoléances, mais aussi sa bande de « copains d’abord » comme l’a dit Brassens !
Pour apaiser un peu leur deuil habité par une foule de souvenirs, ces mêmes copains, Michel en tête, peuvent dire ou penser en ce triste jour : j’ai connu et aimé un homme qui n’avait vraiment rien d’ordinaire ! C’est peut-être le plus beau des compliments que Roland aurait pudiquement écouté, sans ouvrir les grands yeux qu’il avait avant de vous engueuler !