Front uni contre la Puff
Après Elisabeth Borne début septembre et le Sénat il y a deux semaines, c’est au tour de l’Assemblée nationale de s’attaquer à la Puff, (prononcer «peuf», «bouffée» en anglais).
Le 14 novembre, la députée écologiste Francesca Pasquini et l’élu Renaissance Michel Lauzzana ont déposé une proposition de loi transpartisane visant à interdire ce type de produits, jugés «aberrants tant du point de vue de la santé publique que de celui de l’empreinte environnementale». Le texte sera examiné lundi prochain, une semaine après la présentation, mardi 28 novembre, par le ministre de la santé Aurélien Rousseau, du plan de lutte contre le tabagisme 2023-2028.
Alors que, depuis le début de ce quinquennat, les divergences partisanes paralysent le débat politique, il semblerait cette fois que les députés aient trouvé un terrain d’entente autour de cette petit cigarette électronique à usage unique.
Arrivée dans les tabacs français en 2019, la Puff a vu son marché exploser en France, notamment grâce à ses prix attractifs, entre 8 et 12 euros l’unité, contre 20 euros en moyenne pour une cigarette électronique rechargeable. Selon la société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (Seita), le marché de la vapote – tous produits compris – représente au total «1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France aujourd’hui». Magasins spécialisés de vapote, sites internet, certains carrément appelés Puff, bureaux de tabac, magasins tels que Gifi, Centrakor… Il existe une foule de points de vente dans lesquels se procurer des Puff.
Une portée d’entrée vers le tabagisme pédiatrique ?
La Puff, petit bâtonnet légèrement plus large qu’un stylo, mise tout sur un packaging accrocheur aux couleurs fluos et aux arômes de friandises : fruit du dragon, goyave, crème glacée à la fraise, pêche-citron, Chamallow… Un marketing alléchant pour un produit qui contient jusqu’à 20 mg de nicotine.
Une étude de l’alliance contre le tabac (ACT) et l’institut BVA, publiée le 14 novembre, affirme que «47 % des 13-16 ans interrogés en 2023 ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce dispositif, soit une hausse de 19 points par rapport à l’an dernier».
Entre 2017 et 2022, l’utilisation par les adolescents de la cigarette électronique, Puff comprise, a triplé, d’après l’Observatoire français des drogues et des tendance addictives (OFDT). D’autant que ces jeunes sont entraînés par un «effet de mimétisme», conclut l’ACT dans son rapport. La publicité qui lui est faite sur les réseaux sociaux, notamment sur Tik Tok, premier réseau social des adolescents, a poussé l’Assemblée nationale à voter l’interdiction de la promotion du vapotage le 30 mars dernier.
Autre fait préoccupant, sur les sites en ligne de vente de Puff, aucune mesure de contrôle de l’âge n’est réellement mise en place, hormis le fait de cliquer sur un bouton pour affirmer que l’utilisateur est majeur… Rien de bien contraignant. Outre son alarmante popularité auprès des adolescents, dont 34% pensent à tort qu’elle est autorisée aux mineurs, la Puff inquiète en raison de ses conséquences environnementales.
Un nouveau «fléau pour l’environnement»
A l’ère de la réduction des déchets, les cigarettes électroniques à usage unique sont presque anachroniques. Constituée de plastique, la Puff contient une batterie non rechargeable de 0,15 grammes de lithium et des métaux lourds.
Dans une tribune publiée dans le Monde par plusieurs associations de santé et de lutte contre le tabac, les signataires pointent du doigt un «fléau environnemental contraire à l’esprit de le loi Antigaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020». D’autant qu’aucune indication n’apparaît sur les emballages pour expliquer aux consommateurs la marche à suivre une fois la cigarette devenue inutilisable. En tant que produit contenant une batterie, la Puff doit être jetée dans des points dédiés aux appareils électriques de moins de 25 centimètres ou en déchetterie. Or, toujours selon les signataires de cette tribune, ces cigarettes électroniques deviennent des «déchets complexes, mal collectés, non recyclés» et «dont les composants peuvent polluer les sols, les nappes phréatiques et les océans».