La Polynésie solidaire de Mayotte et du Vanuatu
Réunis depuis ce lundi matin à Tarahoi, les représentants à l’assemblée de la Polynésie française ont acté le déblocage d’une aide financière de 5 et 15 millions de Fcfp en faveur, respectivement, de Mayotte et d’une Vanuatu. Sujet sur lequel le président du groupe Tapura huiraatira, Edouard Fritch, a fait quelques observations. Voici l’intervention prononcée.
Par une décision du conseil des ministres qualifiée de « souveraine » par le directeur de cabinet du MEF, le gouvernement Brotherson soumet à notre approbation l’octroi d’une aide financière d’un montant respectif de 5 et 15 millions de Fcfp au profit des populations de Mayotte et du Vanuatu durement éprouvées par des événements d’une rare intensité.
Nous prenons bonne note que ces montants ont été revus à la hausse par rapport à l’annonce initiale qui prévoyait le déblocage en urgence de seulement 3 et 5 millions de Fcfp. C’est déjà mieux, me direz-vous ! Mais peut encore mieux faire…
A titre de comparaison, la collectivité de Corse vient de décider la réactivation de son fonds d’urgence humanitaire à hauteur de 50 000 euros, soit près de 6 millions de Fcfp; une aide financière qui sera versée à l’association Régions de France, qui a récemment acté la création d’un fonds de solidarité pour Mayotte. Et ce n’est pas la seule région de métropole à se mobiliser…
Il n’empêche que vous persistez à faire une distinction entre, d’un côté, un département français d’outre-mer situé dans l’océan indien, et de l’autre, un Etat indépendant du Pacifique. Est-ce à dire que les Mahorais valent trois moins que les ni-vanuatais ? Ce qui revient à vous reposer la question, monsieur le président : quels sont les critères objectifs et rationnels qui ont contribué à déterminer les niveaux d’intervention financière ? Nous n’avons pas obtenu de réponse en commission législative, sinon que le conseil des ministres était « souverain » en la matière.
Toujours est-il qu’au regard de la relative aisance budgétaire qui caractérise ces temps-ci notre collectivité, nous sommes d’avis qu’un effort plus massif aurait pu être réalisé en faveur de ces deux territoires insulaires qui, comme nous, savent mieux que quiconque ce que signifie l’isolement géographique.
Les Polynésiens, en dignes héritiers des peuples de la Mer, ont les mots « solidarité » et « entraide » chevillés au corps. En général, il ne se défilent pas et parviennent toujours à surmonter les obstacles. Nous l’avons démontré par le passé à plusieurs reprises. En revanche, contrairement à ce que nous avions suggéré, vous vous êtes abstenus d’intervenir sur le terrain de la Nouvelle-Calédonie à la suite des violentes émeutes qui ont ébranlé l’archipel et mis à terre toute son économie. A vous entendre, l’Etat, en grande partie responsable, doit seul payer la casse ! Et tant pis pour nos frères canaques…
Tout ça pour dire, mes chers collègues, que face à la détresse humaine, il n’y a pas de place pour la polémique et encore moins pour les mensonges éhontés comme ceux qui ont été proférés dernièrement par le président du Pays s’agissant d’une aide fournie en 2015 par la Polynésie au Vanuatu et qui aurait « pourri » sur les quais.
Mais nous savons tous qu’il n’en est rien ! De cet élan de générosité qui a permis de remplir pas moins de 13 conteneurs acheminés par bateau et non par le navire Tahiti Nui comme il a été faussement annoncé, il reste en effet des images de joie réciproque qui se passent de commentaires. Je referme cette parenthèse.
Enfin, dans le prolongement de l’aide financière versée par le Pays, nous aurions également souhaité voir notre institution, l’assemblée de la Polynésie française, dotée de sa propre autonomie budgétaire, faire un geste pour venir au secours des habitants de Mayotte dont une grande majorité se trouve aujourd’hui dans le dénuement le plus complet. Sans toit, ni eau. Là encore, le contexte s’y prête parfaitement car, sauf erreur de ma part, les réserves dont dispose notre institution se chiffrent à plusieurs centaines de millions. Pour ne pas dire, proches du milliard !
Ce à quoi le président Brotherson a répondu: « Il s’agit là d’une première action ! Une fois que la poussière sera retombée, d’autres actions plus concrètes comme la reconstruction d’une école pourront être envisagées ».