L’APC, cabinet conseil privilégié du Président du Pays ?
C’est, en tous cas, ce que prétend l’association de défense des consommateurs, Te Tia Ara, qui dénonce dans un courrier l’absence de considération de la haute autorité indépendante après le dépôt d’une plainte portant sur des pratiques abusives de la filiale Onatti dans le secteur des télécommunications.
L’association des consommateurs polynésiens Te Tia Ara a été invitée à participer à la célébration les 17 et 18 mars 2025 du dixième anniversaire de la mise en place du droit de la concurrence en Polynésie française, les « competition days » et dans ce cadre, à répondre à une interview qui sera publiée dans une revue éditée spécialement à cette occasion. L’association a décidé de ne pas se rendre à ces réjouissances et de ne pas participer à cette revue de prestige.
Pourquoi ce boycott ? Parce que l’Autorité Polynésienne de la Concurrence ignore les consommateurs polynésiens et ne respecte pas ses engagements !
En 2020 et 2021, l’association des consommateurs a été assaillie d’appels et de courriers de consommateurs se plaignant des pratiques d’ONATI, filiale de l’OPT, obligeant les clients qui s’abonnent à la fibre à continuer d’acquitter un abonnement à l’ancienne ligne cuivre dont ils n’ont plus l’usage à raison de 3 565 FCFP par mois. Cet abonnement supplémentaire est imposé unilatéralement aux abonnés des trois sociétés qui commercialisent la fibre.
L’association a donc rencontré l’Autorité Polynésienne de la Concurrence pour lui faire part de ce mécontentement et recueillir son avis. L’Autorité a invité l’association à déposer une plainte en s’engageant à l’examiner dans les meilleurs délais.
L’association a donc rédigé une saisine de trente pages respectant un formalisme rigide, accompagnée de vingt-six documents annexes réceptionnée le 25 octobre 2021 par le rapporteur général de l’Autorité, Mme Véronique Selinski.
Ce document expose les plaintes de consommateurs polynésiens victimes, non seulement de publicité mensongère (car à aucun moment dans les publicités il n’est fait état de l’abonnement supplémentaire imposé) mais aussi d’une vente forcée qu’ils considèrent être une véritable arnaque. L’association expose les faits, les documente, livre son analyse et demande à l’Autorité de se prononcer sur cette pratique qui, de la part d’une société en position dominante sur le marché, apparaît anticoncurrentielle.
Or, depuis le 25 octobre 2021, donc depuis plus de trois ans, cette saisine n’a toujours pas été examinée. Et cela malgré les nombreuses relances de l’association.
Ainsi en octobre 2022, à la suite de laquelle la présidente de l’Autorité écrit : « Soyez assuré que le dossier que vous citez dans le secteur de la téléphonie est bien en cours de traitement par le service d’instruction. Ce dernier nous a cependant informé sur la forme qu’il existait bien un retard du à des circonstances extérieures à l’APC. »
Et cela, malgré la pétition lancée le 13 octobre 2022 par l’association et soutenue par Vodafone qui a recueilli près de 6000 signatures avérées, ce qui démontre l’intérêt public de la question.
Mi-2024, l’APC nous promettait, promis juré, que le dossier serait examiné avant la fin de l’année 2024. Or il n’en n’est rien. L’Autorité se moque donc éperdument des consommateurs polynésiens et de leurs représentants !
Et pourtant, l’APC ne se prive pas de mettre en avant qu’une association de consommateurs agréée par l’Etat comme Te Tia Ara peut saisir l’Autorité sur le fondement de l’article LP 620-5 du code de la concurrence – et c’est ce que nous avons fait – mais oublie de dire qu’aucun délai ne lui est imposé pour examiner sa requête. Il est donc loisible à l’Autorité d’enterrer une plainte des consommateurs sur un sujet sensible qui la gène aussi longtemps qu’elle le veut !
A l’inverse, en cas de consultation pour avis par le Président du Pays, l’APC doit répondre impérativement dans le délai d’un mois, délai réduit à quinze jours en cas d’urgence. Au fil du temps, l’APC est devenue, de ce fait, le cabinet conseil privilégié du Président du Pays.
Les consommateurs, qui n’arrêtent pas de nous interpeller sur ce sujet, méritent plus de considération. Certains d’entre eux pensent que le refus de l’APC d’examiner la plainte de l’association relative à la fibre depuis 2021 est volontaire. Il fait le jeu d’ONATI qui continue de prélever abusivement 3650 FCFP par mois à chaque abonné à la fibre, soit 42.780 FCFP chaque année pour un réseau dont il n’a plus l’usage. Ca arrange bien le gouvernement qui doit subventionner l’OPT !
Voilà pourquoi l’association des consommateurs, de la même façon que l’APC ignore les consommateurs, a décidé d’ignorer les réjouissances marquant les 10 ans des Lois du Pays du 23 février et du 14 avril 2015 instaurant le régime de concurrence en Polynésie française et célébrant « sa contribution à lutter contre la vie chère ».
Te Tia Ara