Revalorisation du point d’indice des fonctionnaires: quel « fardeau » ?

Pour justifier son refus d’accorder aux partenaires sociaux une plus grande revalorisation du point d’indice des fonctionnaires – ces derniers étant tombés d’accord pour réclamer un « bonus » de 80 points en deux temps – le président du Pays a déclaré: « On ne peut pas porter le fardeau de tout ce qui n’a pas été fait pendant vingt ans ».
Une fois de plus, le chef de l’exécutif local a l’art et la manière de se défausser sur ses prédécesseurs! Rappelons-lui en effet qu’entre 2019 et 2023, l’indice a augmenté de 45 points, passant de 1015 à 1060, la dernière révision datant du 1er mars 2023, juste avant son accession au pouvoir. En revanche, oui, entre 2008 et 2016, période correspondant à la gestion du tandem Temaru-Géros (tout au moins jusqu’en 2013), l’indice n’a augmenté que de…5 points: 995 à 1000.
En réalité, l’origine de la grogne syndicale se situe à deux niveaux. D’une part, le gouvernement Brotherson a été élu moyennant la promesse de s’attaquer à la cherté du coût de la vie; domaine dans lequel il a failli lamentablement! Il a bien supprimé la TVA sociale, dont le rendement de 9 milliards de Fcfp par an était destiné à équilibrer la PSG (protection sociale généralisée), mais les Polynésiens n’en ont pas vu la couleur. D’autre part, l’inflation aidant, le Pays n’a jamais autant engrangé de recettes fiscales et douanières depuis deux ans. Comme en atteste le résultat budgétaire 2024 avec un excédent de…17 milliards de Fcfp dont 12 milliards ont déjà été ponctionnés dans un premier collectif que l’assemblée vient récemment d’adopter.
Après la catégorie D, tous les autres…
Dans ce contexte économique très favorable, le gouvernement est manifestement sous pression. La FRAAP est la première à avoir réclamé un plus juste retour des fruits de la croissance. Elle a du se contenter d’un simple rattrapage pour les catégories D dont la plupart, il est vrai, démarrent au Smig. Au tour aujourd’hui des autres centrales syndicales de monter au créneau, au nom du principe bien connu selon lequel l’union fait la force. Pour l’heure, elle devront se contenter d’une maigre compensation. En tous cas, pas à la hauteur de leur prétentions. Sont-elle légitimes ? Sont-elle réalistes compte tenu de l’impact sur les finances publiques alors que la masse salariale du Pays est en passe de franchir le cap des 35 milliards de Fcfp ?
Dans un communiqué, le gouvernement semble faire la sourde oreille. Et d’annoncer qu’à « l’issue de deux matinées de concertation, les mardi 15 et jeudi 17 avril, entre le gouvernement et les cinq organisations syndicales les plus représentatives de la fonction publique de la Polynésie française (FRAAP, CSTP-FO, A TIA I MUA, SFP, FISSAP), le gouvernement Brotherson a décidé de revaloriser la valeur du point d’indice, qui passera de 1 060 à 1 080 F CFP, soit une hausse de 1,89 % applicable à compter du 1er mai 2025. Cette mesure représente un gain concret pour les 7 687 agents de la fonction publique, avec un coût annuel estimé à 781 millions de F CFP (dont 517 millions F CFP pour les 5 256 agents des services administratifs et 263 millions F CFP pour les 2 431 agents des établissements publics administratifs). » 781 millions de Fcfp, rien que ça à se partager entre 7687 agents. Ce qui fait une moyenne de 101 600 Fcfp par agent et par an. Ajoutons à toutes fins utiles que les fonctionnaires ne sont pas les seuls à bénéficier du point d’indice: c’est également le cas membres du gouvernement et des cinquante-sept élus à l’assemblée, sans oublier leurs collaborateurs…
Un traitement en hausse de 24% en 28 ans
Mais contrairement au prétendu « fardeau » mis en avant durant les discussions, la Présidence reconnaît quand même l’effort consenti en termes de rémunération dans l’administration: « En vingt-huit ans d’existence, la fonction publique de la Polynésie française a connu quinze revalorisations du point d’indice, soit une hausse globale de 24,12%, sans qu’un cadre dédié ne structure ces discussions ».
Mais gare à l’effet boule de neige! Après le secteur public, les salariés du privé, bien plus nombreux (près de 70 000 salariés cotisants à la CPS) seraient bien inspirés à leur tour de réclamer leur dû. Sauf que cette fois-ci, ce sont les patrons qui devront mettre la main à la poche. Aussi, pour prévenir, le gouvernement dit poursuivre « en parallèle une série de mesures en faveur des salariés, des entrepreneurs et des jeunes. L’objectif est clair : agir sur l’ensemble des leviers du pouvoir d’achat et de l’emploi ». Ne serait-ce pas trop tard…?
Et d’annoncer parmi les chantiers engagés: la réforme du dispositif Fa’ati’a (anciennement ICRA), pour mieux accompagner la création d’activités économiques et l’entreprenariat, qui a obtenu le jeudi 17 avril 2025 un avis favorable à l’unanimité des membres du Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) ; la mise en place de prêts à taux zéro pour soutenir les projets immobiliers des ménages; la modération des marges et le toilettage de la taxe de développement local (TDL), afin d’alléger le prix de certaines catégories de produits de consommation, tout en préservant le développement de nos filières de productions locales ; la compensation du fret aérien et maritime sur une sélection de produits pour baisser concrètement les prix dans les archipels ; la mise en œuvre d’une déduction fiscale majorée pour les entreprises recourant au service des structures d’insertion sociale par l’activité économique (SISAE), encourageant ainsi l’insertion sociale et durable des publics vulnérables et cerise sur le gâteau, l’abaissement du droit de timbre à 1 000 F CFP pour les réinscriptions à l’examen du permis de conduire, une réponse directe à une attente forte de notre jeunesse.
A partir du communiqué.