Territoriales: le changement… pour de nouvelles aventures ? (opinion)
Depuis le début de cette campagne pour les élections territoriales, toutes les listes opposées à la majorité sortante, n’ont qu’un mot à la bouche: changement! Mais pour faire quoi à la place ? Eléments de réponse…
En règle générale, dans la vie courante, lorsqu’on veut changer…, c’est parce que l’on n’est pas satisfaits de son sort! En politique, c’est un peu plus subtil et finalement, nul besoin de donner des raisons valables pour passer à autre chose. On se souvient de 2004, l’année où Oscar Temaru accéda par hasard au pouvoir. Certes, sa présidence a été marquée par une forte instabilité mais nous nous garderons bien de revenir sur certains épisodes malheureux et très préjudiciables pour la gestion du Pays. Seule concession que nous pouvons faire: le renouvellement de la classe dirigeante atteste, somme toute, d’un bon fonctionnement de la démocratie.
Alors oui, reconnaissons-le, dans le prolongement des dernières Législatives, le Tapura huiraatira et ses principaux leaders ne sont plus en odeur de sainteté auprès d’une partie de la population. Principalement aux Iles du Vent. Ils n’en conservent pas moins, à l’issue du 1er tour, un socle de 37 880 électeurs. On pourrait y voir, simplement, une usure du pouvoir après neuf années de gouvernance. Quand d’autres préfèrent ressasser le mariage de Tearii Alpha célébré en pleine crise du covid, la gestion (Pays-Etat) de l’épidémie ou encore l’instauration de la CST-S de 1% dite « TVA sociale » considérée comme un facteur aggravant à l’inflation mondiale.
Ces trois principaux griefs suffisent-ils à occulter tout ce qui a été accompli ces cinq dernières années en matière de logement social, de relance économique, d’équipements structurants ou d’accompagnement social en faveur des plus démunis ? Un bilan qui, soit dit en passant, n’a quasiment pas été abordé et débattu durant la campagne. Comme s’il fallait repartir d’une page blanche, avec un nouveau logiciel, et qu’un souffle nouveau distillé par trois « jeunes révolutionnaires » était obligatoirement porteur d’espoir et de bonheur pour tous.
Notons quand même au passage que les détracteurs du Tapura ne se sont pas privés de dépeindre une situation catastrophique du Pays. De notre point de vue, non conforme à la réalité.
Ainsi,« le quotidien des familles polynésiennes est difficile (…) trop d’enfants, de jeunes, d’étudiants sont en situation de précarité », écrit le Tavini huiraatira dans sa profession de foi, avant de préconiser: « il faut des solutions rapides, à court terme ». Nous avons hâte de les connaître… Dans un autre registre, il faut « sauver notre économie qui s’effondre… », annonce le Amuitahiraa pour qui, l’heure est plus que jamais à la relance des grands chantiers. Sauf que les chiffres de l’emploi n’ont jamais été aussi élevés depuis plus d’un an, source ISPF et CPS à l’appui. Mais cela, personne n’en parle! Enfin, A Here Ia Porinetia plaide quant à lui pour de « profondes réformes » afin « de retrouver le chemin d’une véritable autonomie » alors que selon le mouvement, « la pandémie de covid a montré toutes les fragilités de la société polynésienne ».
Pour ne prendre qu’un exemple, la cherté de la vie, sujet central pour un grand nombre de ménages polynésiens, rappelons à ceux qui ont la mémoire courte que le gouvernement d’Edouard Fritch a pris un certain nombre de dispositions réglementaires et fiscales pour tenir le choc. Et à tout le moins, d’en amortir les effets pour la soutenabilité du panier de la ménagère. Citons pêle-mêle le relèvement du minimum vieillesse « moni-ruau », du Smig, des allocations familiales (portées à 12 000 Fcfp par enfant et pour tous), la revalorisation de l’indice des fonctionnaires territoriaux, l’exonération de TVA et/ou de CST-S pour un grand nombre de produits alimentaires et de construction, baisse des carburants à la pompe, etc. Mais pour l’opposition, le gouvernement n’en a pas fait assez! En clair, le budget du Pays aurait pu « sacrifier » quelques milliards de Fcfp supplémentaires, alors que la collectivité se voit reprocher dans un même temps et par les mêmes donneurs de leçon, sa dette prétendument abyssale.
Le changement, tant espéré, pourrait donc -logiquement- déboucher sur la suppression de la CST-S ainsi que le réclament tous les partis en lice. Chiche. Avec quelle solution de remplacement pour financer la Protection sociale généralisée (PSG) et ses diverses dépenses ? A ce stade, les réponses sont toujours aussi évasives… Mais surtout, y aura t-il un effet, rapide et mesurable, sur le niveau général des prix ? Rien n’est moins sûr, auquel cas la population pourra en conclure qu’elle a été trompée sur le sujet.
Stéphane Antonin