Y a t-il urgence à décoloniser la Polynésie française ?
C’est en tous cas ce que pensent les « cadres » du Tavini huiraatira (parti indépendantiste) qui, revenus aux affaires du pays depuis mai 2023, se croient légitimement fondés à défendre cette cause au nom de tous les Polynésiens, devant la quatrième commission des Nations Unies à New-York.
Comme chaque année à même époque, cette bande de joyeux lurons – les deux plus hauts personnages du pays en tête, Moetai Brotherson et Antony Géros – s’en va réclamer l’arbitrage de l’ONU pour tenter d’obtenir de la France qu’elle daigne (enfin!) s’asseoir à la table des discussions en vue de l’émancipation institutionnelle de notre collectivité. A ce titre, on ne peut leur reprocher une certaine constance, pour ne pas dire obstination, fiers qu’ils sont certainement de rejouer le combat d’un David contre Goliath.
Plus de dix ans aujourd’hui après avoir réinscrit la Polynésie française sur la (longue) liste des pays à décoloniser, les voici de nouveau battre le pavé de Big Apple; une semaine à leurs frais, dit-on, qu’il serait d’ailleurs intéressant de mesurer et de comparer face à la détresse humaine que chacun peut observer dans certaines quartiers de l’agglomération urbaine de Papeete.
Mais nos joyeux émissaires n’ont que faire de l’intendance locale et des clignotants qui s’allument chez Air Moana au bord de la faillite, Air Tahiti Nui qui cumulent les déficits, Et pour cause, ils ne se sentent pas comptables de la gestion passée des autonomistes! Pire, plus les Polynésiens « boufferont de la vache enragée », plus ils seront contraints d’adhérer aux idées d’une rupture avec la France comme unique planche de salut pour les décennies à venir.
Il en faut de la patience et de la diplomatie pour se plier à une telle posture. Saluons au passage les talents d’équilibre du nouveau chef de l’exécutif local qui, au lendemain de sa poignée de mains avec Emmanuel Macron en métropole après avoir officiellement rejoint le club de la francophonie, est allé dire tout le bien qu’il pensait d’une décolonisation réussie avec la France, ici comme en Kanaky. Comme si ces deux peuples du Pacifique avaient la même histoire…Pour finalement reconnaître que « la réponse du représentant permanent (de la puissance coloniale) à l’ONU n’est pas à la hauteur des enjeux. Cette myopie diplomatique me sidère ». Aussi, c’est promis, « Je reparlerai de tout cela à mon retour sur Paris et avec le nouveau gouvernement », a t-il conclu sur un aveu d’échec.
Que dire à présent sur le fond des discours prononcés par les représentants du Tavini huiraatira, auxquels se joint comme à son habitude le « berger » de l’Eglise protestante maohi, sinon que tout cela sonne creux. Seule nouveauté apparente, il y aurait quand même « urgence » à ouvrir le dialogue. Mais pour parler de quoi au juste ? D’une nouvelle monnaie après la disparition du franc pacifique ? Du traitement des milliers de fonctionnaires d’Etat (Police nationale, gardiens de prison, instituteurs etc) ? De notre immense Zone économique exclusive (ZEE) à surveiller contre le pillage de nos ressources halieutiques ? Ou encore de l’hélicoptère chargé des évasans urgences ou pour sauver le pêcheur en panne ? Pourtant, ce n’est pas faute de s’être préparés, des mois durant, à élaborer des « éléments de langage » au sein de la nouvelle commission spéciale de l’assemblée dédiée justement à la décolonisation.
En attendant, les Polynésiens, dans leur grande majorité, n’ont que faire des balades onusiennes de tous ces nantis, fonctionnaires d’Etat et autres retraités de l’Education nationale, qui parlent en leur nom et non dans l’intérêt général. Eux, après tout, ne sont bons qu’à payer des taxes et à trimer tous les jours avec une dignité et une résilience qui forcent le respect.